Magazine Surface Vol. 40 No 2

VOL. 40 NO 2 40 DOSSIER cussions avec un membre de ma famille qui est carreleur depuis 15 ans m’ont convaincu de me lancer dans ce métier », explique celle qui est présentement à l’emploi de SëRa Tiles, entreprise spécialisée dans la pose de céramique et de pierre naturelle pour les secteurs résidentiel et commercial. « L’aspect créatif et minutieux du travail répondait à mes attentes, à mes aptitudes et besoins professionnels. Livrer un espace de grande qualité que le propriétaire pourra ensuite chérir pendant des années me procure une grande satisfaction », précise cette dernière. Si Mme Perrault s’attendait à ce que l’installation de produits de céramique soit exigeante physiquement, en ce qu’elle demande des positions difficiles pour le cou, les genoux et le dos, elle se dit agréablement surprise par l’aide physique qu’elle reçoit spontanément de ses collègues masculins sur les chantiers. « J’apprécie énormement ces coups de main. Toutefois, je ne me contente pas de regarder les autres manipuler des charges pour moi. Je m’implique à ma pleine capacité. Ça devient un travail d’équipe. Tout est très courtois, même au niveau du prêt d’outils. On ne roule pas des yeux, on ne me lance pas des regards condescendants. En général, tous les corps de métier travaillent de concert. Mais je dois toutefois préciser que j’ai connu deux ou trois événements délicats pour lesquels j’ai fait appel à mon syndicat. On parle de harcèlement sexuel et psychologique survenu sur des chantiers de construction. Sur le cas de harcèlement sexuel, j’ai d’ailleurs eu de la difficulté avec mon ancien employeur, qui m’a menacée de congédiement lorsque les gens ont commencé à parler un peu partout de la situation qui n’était que semi-réglée. J’ai trouvé ce comportement « très ordinaire ». Et lorsque j’ai eu des commentaires sexistes sur les chantiers, ceux-ci provenaient de travailleurs d’autres corps de métier. Les hommes de mon corps de métier n’ont jamais manqué une occasion de mettre leur pied au sol et de mettre en garde les fautifs : « Tu ne lui parles pas comme ça parce que c’est une femme. » Curieusement, les harceleurs en question étaient de la jeune génération, celle de la jeune trentaine. Et de quoi parle-t-on en termes de commentaires sexistes? Probablement beaucoup de femmes auront entendues ces remarques déplacées avant, soit « celles jouant sur le fait que les femmes se retrouvent à quatre pattes au sol pour effectuer le travail ou qu’elles ne seraient bonnes qu’à faire le ménage ». « La personne est souvent seule à se trouver drôle. Ce sont des événements isolés », souligne la carreleuse, qui confirme le fait que les travailleurs plus âgés auraient plutôt fait preuve de bienveillance à son égard et que « tous les clients sont très ouverts et très heureux de voir des femmes à l’œuvre dans la réalisation de leurs projets ». Mot de la fin : Mme Perrault tient à souligner que les femmes qui ont pris la peine de suivre une formation et de se lancer dans ce secteur d’activités physiquement exigeant le font parce qu’un métier les attire, leur convient. « Les travailleuses ne sont pas là pour flirter, mais bien pour travailler et prendre leur place dans le milieu », réitère-t-elle. CAROLE COLLINET : UN INCIDENT VITE RÉGLÉ Pour Carole Collinet, originaire de France, le métier de carreleuse débute en 2014. « Après mon arrivée au Québec, j’ai eu des problèmes avec mes papiers d’immigration, se souvient Carole Collinet. Aussitôt la situation réglée, j’ai débuté chez Costco. Mais, les méthodes et pratiques étaient trop militaires pour moi, et le salaire trop bas. En France, on a droit à cinq semaines de vacances et à des assurances, ce qui rend le travail plus attrayant. Rien de ça ici. En tenant compte du fait que je suis une personne manuelle, le milieu de la construction m’est apparu comme intéressant. Je me suis donc inscrite au programme Carrelage du Centre de formation professionnelle Pierre-Dupuy, situé à Longueuil. Dès le premier jour de classe, je suis devenue accro à la céramique. J’avais trouvé ma place! » Une fois le programme terminé, Carole Collinet se voit présentée directement aux employeurs venus s’enquérir des trois meilleurs élèves de la cohorte. Tout va bien, jusqu’au moment où elle décide de s’émanciper, en passant d’employée à cheffe de microentreprise. Question : le sexisme et la stigmatisation professionnelle qui peut en découler peuvent-elles se manifester de manière plus indirecte, plus insidieuse? Par exemple, en sanctionnant la création d’une nouvelle entreprise, un geste qui vient redéfinir les ententes et habitudes de travail en vigueur? Carole Collinet explique : « J’ai récemment créé ma propre microentreprise de carrelage, Céramique Collinet inc. Eh bien, tous les hommes qui ont fait la même chose réussissent à travailler avec des magasins, alors que pour moi, c’est zéro. Par exemple, j’ai travaillé pendant deux ans en tant que carreleuse pour un magasin de la région de Salaberry-de-Valleyfield. La direction m’a confirmé que si je créais mon entreprise, elle me sous-traiterait sans problème. Et, effectivement, on m’a confié quelques mandats jusqu’en

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