VOL. 40 NO 2 38 VOL. 40 NO 2 39 Femmes sur les chantiers de construction : quel est le portrait? par Yves Rivard DOSSIER Les femmes et le milieu de la construction. Voilà un binôme, un sujet qui fait couler beaucoup d’encre et qui génère beaucoup de publications polarisées sur les réseaux sociaux, ici comme ailleurs. Afin d’offrir un aperçu du contexte québécois actuel, basé sur un modèle de société de droit, rappelons-le, Surface a cru bon de s’entretenir avec l’organisme Les Elles de la construction (Les Elles) et de sonder l’opinion de quelques professionnelles travaillant au quotidien sur les chantiers et qui ont des histoires tristes ou carrément inacceptables à raconter. Depuis 2013, Les Elles de la construction se tiennent aux côtés des femmes de l’industrie. Comptant à ce jour plus de 85 mem-bres, l’association est formée de femmes de métier, de femmes professionnelles et d’entrepreneures, toutes liées par le désir d’échanger et de faire évoluer leur industrie. Plus précisément, l’APCHQ et Les Elles de la construction partagent leurs connaissances du terrain de l’industrie de la construction pour offrir conseils et soutien à leurs membres. Ce partenariat vise naturellement à promouvoir les droits et intérêts des femmes travaillant dans cette industrie. Comme le rappelle Gaëlle Gilles, directrice générale, l’association Les Elles est la création de la femme d’affaires Isabelle Perron, qu’elle a officiellement lancée le 27 mai 2010, après 12 années passées dans la construction. Le succès étant au rendez-vous, elle en confie la direction à l’Association patronale des entreprises en construction du Québec (APECQ) en avril 2013. Transformé en OBNL à ce moment, le regroupement passe sous la gouverne de Rose Fierimonte et de son conseil d’administration. « Cela a permis à l’organisme d’organiser plus d’activités, d’embaucher du personnel et d’être admissible à différents programmes. Nous ne sommes pas une association obligatoire, nous ne sommes pas un syndicat », explique Mme Gilles. COMMUNAUTÉ, DOSSIERS, OPPORTUNITÉS En consultant les données fournies par la CCQ (voir plus bas), on constate rapidement que toutes les femmes actives dans le milieu de la construction ne sont pas membres de Les Elles. Question : comment expliquer cette situation? Mme Gilles répond : « Plusieurs travailleuses ne cherchent pas à faire partie d’une communauté. Leurs besoins en matière d’information et de protection sont généralement assurés par leurs syndicats. Par contre, les travailleuses qui viennent vers nous sont intéressées par l’idée de rassemblement, d’activités, de réseautage. Elles y trouvent une zone propice aux opportunités. » Au cœur des dossiers actifs au sein de l’organisme, on recense la conciliation travail-famille, le harcèlement psychologique et/ou sexuel au travail, le leadership sur les chantiers de construction de même que l’inclusion et la diversité sur les chantiers. Les programmes offerts visent à créer un environnement accueillant et inclusif pour les femmes de l’industrie, en formant les entreprises à valoriser une culture de respect à travers des politiques d’entreprises adaptées au personnel féminin. « Les femmes de la construction peuvent aussi bénéficier d’un accompagnement personnalisé et professionnel auprès de mentors chevronnés », ajoute la directrice générale. L’OBNL propose également un programme complet d’enrichissement professionnel pour femmes professionnelles formées à l’étranger. À noter, afin de souligner les femmes au parcours remarquable, promouvoir les talents et inspirer la relève, le concours Elles reconnaissent est tenu tous les deux ans. FEMMES SUR LES CHANTIERS : UNE ANNÉE RECORD, SELON LA CCQ En date du 8 mars 2024, Journée internationale des droits des femmes, la Commission de la construction du Québec (CCQ) a dévoilé ses plus récentes données sur la présence des femmes sur les chantiers. Premier constat : plus de 7 470 femmes ont travaillé sur les chantiers en 2023. Une hausse de plus de 250 par rapport à l’année 2022 et qui marque 2023 comme une année record, avec près de 3,8 % de la main-d’œuvre totale. Toujours pour 2023, on peut y lire que 4 460 entreprises embauchent des femmes (16,2 %). Selon l’étude, celles-ci se démarquent dans certains métiers et occupations alors que deux métiers ainsi que les occupations non spécialisées dépassent la barre de plus de 1 000 femmes : 1 820 peintres (26,3 %), 1 390 charpentières-menuisières (2,5 %) et 1 390 occupations non spécialisées (5,2 %). De manière plus spécifique, trois métiers et une occupation atteignent au moins 10 % de présence de femmes : 1 820 peintres (26,3 %), 140 calorifugeuses (10,7 %), 420 plâtrières (10,2 %) et 150 arpenteuses (10 %). Heureuse statistique, trois métiers dépasseraient leur cible en rapport avec le Programme d’accès à l’égalité des femmes dans l’industrie de la construction (PAEF) 2015-2024, soit 680 électriciennes (3,0 %, cible de 3 %), 145 couvreuses (2,2 %, cible de 2 %) et 10 mécaniciennes de chantier (1,2 %, cible de 1 %). L’étude de la CCQ prend bien soin de souligner que la rétention est un aspect très important, citant le fait que les femmes quittent l’industrie plus fréquemment que les hommes, soit plus de la moitié après cinq ans, contre 35 % pour les hommes. Parmi les motifs invoqués, on recense la difficulté à s’adapter aux horaires de 6 h à 14 h avec des enfants au service de garde, la difficulté à trouver un emploi, le manque de reconnaissance des compétences acquises, et le harcèlement psychologique et sexuel. VERS UN NOUVEAU PROGRAMME D’ACCÈS À L’ÉGALITÉ DÈS 2024 À noter : la CCQ mènera prochainement des travaux avec ses partenaires afin d’adopter un nouveau Programme d’accès à l’égalité des femmes dans l’industrie de la construction (PAEF). À terme, l’objectif est de proposer des solutions qui permettront de contrer les facteurs d’abandon des femmes et d’aller plus loin en matière d’attrait, de rétention, de développement du parcours et de l’amélioration du climat de travail. Une des premières étapes de ces travaux tiendra dans le déploiement d’un sondage auprès des travailleuses actives et ayant quitté l’industrie afin de mieux comprendre les facteurs de maintien en emploi et d’abandon, de même que les mesures à mettre de l’avant pour augmenter leur contribution à l’industrie. Les constats de cette étude serviront à alimenter la prochaine mouture du PAEF. Dans un second temps, les entreprises seront également sondées afin de tenir compte de leur point de vue. La présidente-directrice générale de la CCQ, Audrey Murray, a déclaré publiquement que la CCQ travaillera en concertation avec les associations syndicales et patronales, les entreprises et les leaders de la diversité « afin de bâtir un nouveau PAEF audacieux pour que les chantiers de construction offrent un environnement inclusif et sain ». QUATRE PARCOURS, QUATRE CONSTATS On le sait depuis longtemps, le milieu de la construction est encore et toujours un secteur d’activités traditionnellement réservé aux hommes. Indubitablement, un changement des mentalités, des méthodes et pratiques est en cours depuis une vingtaine d’années, un processus de maturation sociétal et professionnel de première importance visant à permettre aux femmes de prendre la place qui leur revient dans une société de droit. Quatre d’entre elles ont fait ce choix et, à ce jour, s’en félicitent au quotidien… même lorsque des hommes inquiets, sexistes ou simplement stupides tentent de leur pourrir la vie par des commentaires déplacés ou des actes carrément criminels. Des femmes contribueraient également à l’instauration de climats de travail toxiques… Lisez ce qui suit pour vous en convaincre. LAURENCE PERRAULT : « LES FEMMES SONT LÀ POUR TRAVAILLER, PAS POUR FLIRTER » Sur le point d’être promue à titre de compagnon, Laurence Perreault travaille dans la construction depuis quatre ans. « Ayant toujours été plutôt manuelle et très active, au point de ne pas aimer être assise, je me suis inscrite au DEP offert au Centre de Formation Professionnelle Pierre-Dupuy, à Longueuil. Des disPhoto générée par ChatGPT
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