Magazine Surface Vol. 39 No 2

VOL. 39 NO 2 40 DOSSIER Selon M. Lippé, le marché mondial est vraiment en train de bouger, de prendre de l’expansion. « Il n’est aujourd’hui plus limité à la Chine. On parle désormais du Vietnam, du Cambodge, de la Corée, là où les Chinois investissent massivement. La logistique y est parfois chaotique. L’usine a beau être ultramoderne, le chemin pour s’y rendre l’est beaucoup moins. » Il poursuit : « Je reviens du dernier événement Surfaces à Las Vegas, où j’ai vu plusieurs détaillants connus en rencontre avec des représentants d’usines chinoises, des détaillants souvent déçus des clients perdus pendant la pandémie à cause de distributeurs ayant été dans l’impossibilité de livrer », relativise M. Lippé, qui ajoute du même souffle que Quality Craft, grâce à son réseau a su livré en temps et en heure tout au long de cette période. Il poursuit : « Ces détaillants signent un contrat à Vegas, super aubaine. Mais qui vérifiera la qualité de leur commande là-bas? Une entreprise comme la nôtre offre une inspection, un rapport, des photos de chaque conteneur. Ils n’auront jamais ça. Il y a quelques jours, je suis allé chez Walmart. Les tablettes étaient presque toutes vides. Si l’entreprise reine de la logistique souffre de problèmes d’approvisionnement, imaginez la situation pour un détaillant unique qui tente de s’aventurer dans cette jungle. » Jungle où les pièges sont nombreux et parfois imprévisibles. M. Lippé à ce sujet : « Les usines chinoises avec lesquelles nous travaillons depuis longtemps n’exposent pas dans les salons. Celles qu’on voit dans ces événements sont à la recherche de détaillants intéressés par la vente directe. De plus en plus, les usines veulent percer le marché nord-américain, surtout en période de ralentissement économique, où elles vont directement rencontrer les détaillants, question de stabiliser leur haut volume de production. » Et là se terrent de nombreux écueils. « Depuis une quinzaine d’années, afin de contrer certaines tentatives potentielles de contact direct des usines avec nos clients, Quality Craft défraie en son nom le bon de commande envoyé à l’usine. De cette manière, le nom des clients n’apparaît pas. » Mais l’appât du gain étant ce qu’il est, certains détaillants signent tout de même. « Sur papier, les offres proposées par les usines chinoises aux détaillants indépendants peuvent sembler intéressantes avec 7 % ou 8 % de moins, mais ils paient 120 jours avant de recevoir et vivent dans l’angoisse de ne pas savoir si tout sera livré tel que commandé, note M. Lippé. Avec toutes les étapes à superviser, tous les obstacles à abattre, les processus qui changent rapidement, le tout sans aide professionnelle, je dis : bonne chance. Prenons le cas des trains : le courtier de Laval qui prend le train à Lachine et qui arrive avec les conteneurs. Tout doit maintenant être vidé en deux heures, contrairement à trois, voire quatre heures il n’y a pas si longtemps. Sinon, tu dois payer du drag, à 150 $ par jour. J’ignore comment, concrètement, il est possible de sortir gagnant financièrement de tout ça. C’est déjà moins pire dans le cas de marchands qui s’essaient à travers une bannière, avec un courtier. Mais seul… c’est risquer gros. » Un constat que partage David Secours, vice-président, ventes et marketing, chez BMB, qui approvisionne plusieurs détaillants spécialisés et marchands de matériaux. « Pour les usines chinoises intéressées par les tractations directes avec les détaillants québécois, c’est aussi risqué. On n’a qu’à penser à l’échec de la compagnie Toucan, qui a eu recours à des représentants asiatiques ne parlant pas la langue du marché visé, et qui n’a pas su gagner la confiance de la clientèle. D’autres manufacturiers asiatiques ont appris de ce genre d’initiatives et recruté des gens d’ici pour vendre leurs produits. Mais plusieurs questions demeurent : les réclamations de garantie seront-elles honorées par ces manufacturiers qui coupent l’intermédiaire canadien? Est-ce que ces entreprises basées en Chine feront passer les intérêts de l’usine et ceux du gouvernement chinois avant ceux des clients? Sont-elles vraiment propriétaires de l’usine complète ou en partie seulement? J’ai visité plusieurs usines en Chine. Elles se disent fabricants alors qu’en fait, elles achètent les panneaux déjà laminés d’une autre entreprise et se limitent au machinage du produit. Cela devient très difficile de retracer la qualité du panneau et la teneur en formaldéhyde. Mais, heureuse nouvelle, le gouvernement canadien a fait l’annonce d’une nouvelle série de mesures afin de valider que chaque usine qui introduit des panneaux en sol canadien respecte les nouvelles normes d’émissions de formaldéhyde qui sont encore plus strictes, un peu comme le modèle de la Californie (Référence DORS/2021-148). » Autre fait inquiétant, selon M. Secours : « Leur vision à court terme du marché est d’aller vers le marchand spécialisé. Mais à moyen et long terme, l’objectif est-il de vendre directement en ligne aux entrepreneurs, aux promoteurs immobiliers et même aux particuliers? C’est dangereux pour notre industrie et pour la boutique spécialisée. C’est arrivé, par le passé, à Toronto et même ici au Québec. Des manufacturiers ont vendu directement aux marchands et peu de temps après, aux entrepreuneur et aux poseurs. Ça n’a pas bien fonctionné, ces mêmes manufacturiers ont rebroussé chemin, du moins pour l’instant. »

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