Magazine Surface Vol. 38 No 4

VOL. 38 NO 4 44 VOL. 38 NO 4 45 C HR ON I QU E S C H L U T E R HUGO SANCHEZ A APPRIS LE MÉTIER DE CARRELEUR DE SON PÈRE ET IL A TRAVAILLÉ COMME INSTALLATEUR PENDANT PLUS DE 25 ANS AVANT DE SE JOINDRE À SCHULTER- SYSTEMS EN 2015 COMME REPRÉSENTANT COMMERCIAL. AUJOURD’HUI, IL OCCUPE LE RÔLE D’ÉDUCATEUR, DONNANT DES FORMATIONS ET PARTAGEANT SES CONNAISSANCES ET SON EXPERTISE AVEC LES INSTALLATEURS ET AUTRES PROFESSIONNELS DU CARRELAGE PARTOUT AU QUÉBEC. La préparation des surfaces d’une douche carrelée est une étape fondamentale, mais souvent sous-estimée. Le problème est aussi exacerbé par une certaine inaptitude, des contraintes budgétaires et des attentes irréalistes favorisant le travail sous pression et le contournement des normes. De plus, l’information subjective est aujourd’hui omniprésente, et l’improvisation donne souvent lieu à de la désinformation et à une fausse interprétation des enjeux. Et ce n’est pas qu’un problème propre au marché de la rénovation. Étonnamment, le secteur des constructions neuves résidentielles et même commerciales est aussi touché. Pourtant, l’imperméabilisation d’une douche ne requiert ni créativité ni talent. N’importe qui peut facilement se renseigner et suivre les étapes de préparation et d’installation publiées par l’Association canadienne de terrazzo, tuile et marbre (ACTTM). Ultimement, les manufacturiers de systèmes de douches peuvent également être une ressource utile. Il faut surtout s’assurer de travailler avec des systèmes complets pour éviter des problèmes d’incompatibilité. À tout le moins, beaucoup de surprises peuvent être évitées grâce à l’utilisation d’une membrane et d’un drain du même fabricant. Mais, le marché étant ce qu’il est, il y aura toujours une place pour des considérations financières, des initiatives individuelles et une tentation de contourner les règles. À cet égard, il est parfois plus facile de prendre conscience des implications de nos choix en regardant la situation au sens propre et figuré. IL PLEUT DANS MA MAISON Don Halverson nous présente de manière claire l’enjeu de l’étanchéité dans son étude parue en 2012 sur la consommation d’eau d’une douche. On apprend que la durée moyenne d’une douche est de 12 minutes, avec une consommation de 114 litres d’eau. Cela représente 41 610 litres par an, ou l’équivalent du volume d’une piscine hors terre de 21 pi de diamètre. En calculant ces chiffres par extrapolation, cela équivaudrait à dire qu’annuellement un ménage comptant deux enfants passe l’équivalent de É TANCH É I T É À L’ H E UR E D ’ I N T E RN E T quatre piscines dans sa douche! On peut aussi caricaturalement dire qu’il s’écoule 27 940 mm (1 100 po) d’eau par an sur le plancher d’une douche moyenne… alors que Montréal reçoit seulement 787 mm de pluie (31 po)! Bref, attention avec les approches approximatives et les méthodes ancestrales. Le déluge cataclysmique auquel fait face aujourd’hui le pauvre panneau de ciment, les joints d’hydrofuge, même en résine époxyde, ne sont pas de taille face à l’ampleur de l’humidité qui règne dans une douche. Tout simplement, nos habitudes d’hygiène ont beaucoup évolué depuis que les douches existent. DOUCHE SOUS PRESSION L’eau liquide est la première considération lorsqu’on évoque l’étanchéité d’une douche puisque c’est l’élément visible et tangible de l’humidité. Cependant, l’autre réalité tout aussi dommageable que l’eau liquide, sinon plus, est l’eau gazeuse. C’est l’élément intangible de l’humidité qui est à l’origine de la température et de l’eau chaude dans une douche. La vapeur d’eau est un gaz suspendu, inodore et incolore composé de molécules infiniment petites et faiblement liées, qui se repoussent et créent donc de la pression. On est témoin de ce phénomène dans la cuisine lorsqu’on fait bouillir de l’eau dans une marmite et que le couvercle se retrouve sous pression. La pression s’explique par le fait que la vapeur d’eau prend un volume jusqu’à 1 700 fois plus grand que l’eau à l’état liquide. Donc, comparativement à une molécule d’eau, qui est plus grande et dense, la petite taille et la pression de la vapeur d’eau lui permettent de traverser facilement la porcelaine, le coulis, le ciment-colle, le panneau de ciment, etc. De tels matériaux sont dits résistants à l’eau, mais perméables à la vapeur d’eau. LE VOYAGE DE L’HUMIDITÉ DANS SES DEUX ÉTATS Mère Nature cherche toujours à mettre de l’ordre en imposant l’équilibre dans tout système. L’espace d’une douche et son environnement immédiat n’échappent pas à cette réalité universelle. C’est-à-dire que la pression, l’humidité et la haute température présentes dans une douche chercheront à s’équilibrer avec l’environnement et l’espace adjacent. Pour mieux comprendre comment l’équilibre prend forme, disons qu’on sépare un espace humide et chaud d’un espace plus froid et sec à l’aide d’un panneau cimentaire. La partie humide de la pièce séchera à travers le panneau cimentaire, qui absorbera l’humidité du côté chaud et la laissera s’échapper du côté sec de la pièce. Essentiellement, l’équilibre entre les deux environnements se produira avec la diffusion de la vapeur d’eau à travers le panneau cimentaire. Nous pouvons maintenant extrapoler en appliquant cette situation à une douche, où la vapeur d’eau utilisera l’écart de température comme véhicule pour traverser le mur. Le tout débutera dans le secteur chaud et humide de la douche, où la vapeur cherchera à s’équilibrer avec l’environnement plus sec et froid de la cavité murale. Le passage de la vapeur sera suivi par une condensation au contact d’une masse froide ainsi que par la saturation de cette masse. Le voyage commence avec la condensation de la vapeur contre le carrelage et le coulis, et se poursuit avec la saturation du ciment-colle. Par la suite, la vapeur devrait percuter la membrane d’étanchéité recouvrant normalement le panneau de support. Dans le cas où la membrane d’imperméabilisation est étanche à l’eau, mais perméable à la vapeur, le panneau deviendra saturé d’eau. Jusqu’ici, advenant l’emploi d’un panneau cimentaire, la vapeur n’aura infiltré que des matériaux résistants à l’humidité. Cependant, le voyage n’est pas terminé. Après avoir traversé le panneau, la vapeur se condensera contre le bois et le placoplâtre dans la cavité murale. Et c’est là, loin des regards, que de graves problèmes débuteront. La saturation en humidité des matières organiques donnera naissance à des champignons qui finiront par causer des odeurs désagréables, d’importants besoins d’entretien, des problèmes de santé et éventuellement des dommages à la structure de la douche et de la bâtisse.

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