VOL. 38 NO 3 44 VOL. 38 NO 3 45 C HR ON I QU E S C H L U T E R HUGO SANCHEZ A APPRIS LE MÉTIER DE CARRELEUR DE SON PÈRE ET IL A TRAVAILLÉ COMME INSTALLATEUR PENDANT PLUS DE 25 ANS AVANT DE SE JOINDRE À SCHULTER- SYSTEMS EN 2015 COMME REPRÉSENTANT COMMERCIAL. AUJOURD’HUI, IL OCCUPE LE RÔLE D’ÉDUCATEUR, DONNANT DES FORMATIONS ET PARTAGEANT SES CONNAISSANCES ET SON EXPERTISE AVEC LES INSTALLATEURS ET AUTRES PROFESSIONNELS DU CARRELAGE PARTOUT AU QUÉBEC. Les joints de mouvement sont des joints souples permettant la dilatation et la contraction du carrelage et assurant, en partie, la durabilité de l’installation. C’est le premier critère d’évaluation lors des inspections, puisque ces joints sont obligatoires et conditionnels aux garanties de ciments-colles. Cependant, par manque de connaissance ou consciemment, ils sont rarement proposés et employés. Cette situation peut s’expliquer par notre difficulté à repérer les problèmes et les occasions à long terme. Évidemment, si les défaillances se manifestaient rapidement à la suite d’une installation, personne n’irait à l’encontre des spécifications des fabricants. Le refus de travailler avec des joints de mouvement peut aussi s’expliquer par un scepticisme forgé par des façons de faire et des réalités d’une autre époque. Avant les codes et normes de construction actuels, le carrelage était réservé à de petits espaces. Les carreaux étaient de taille restreinte et irrégulière, et installées avec des joints larges, sur lit de mortier. Le substrat en chape de ciment assurait ainsi une certaine désolidarisation et, le cas échéant, le mouvement était absorbé par l’articulation du carrelage par le biais la microfissuration des joints. Aujourd’hui, tout a changé avec les substrats, les adhésifs, le carrelage et la méthode d’installation. Les mosaïques et la céramique ont fait place à des carreaux surdimensionnés, d’une rigidité similaire à celle du verre. Les joints sont devenus minuscules et plus rares. Les lits de mortier flottants ont été remplacés par des substrats rigides en béton ou en bois avec des coefficients d’expansion thermique deux à dix fois plus élevés que dans le cas de la céramique. Les espaces carrelés sont aussi plus vastes, sans compter les portées plus longues et les charges plus imposantes. De nos jours, le risque de défaillance est considérablement plus élevé pour toute installation n’incorporant pas de souplesse dans son assemblage. LA PHYSIQUE DU CARRELAGE Un assemblage de plancher est composé de plusieurs couches et le problème tient au fait que chaque couche possède des propriétés physiques distinctes. Avec les variations de température ou d’humidité, il se produit une friction entre les couches, qui se dilatent et se contractent à des degrés différents, ce qui entraîne un mouvement de cisaillement, et donc des contraintes mécaniques entre les couches. Un carrelage collé directement sur du contreplaqué est exposé à un coefficient d’expansion thermique ou à un cisaillement de l’ordre de dix pour un. Étant donné que la température et l’humidité varient au rythme des saisons, les mouvements sont incontournables pour les applications résidentielles. En revanche, le collage direct sur béton n’est pas pour autant à l’abri de changements de température et d’humidité ou même de la migration d’humidité par le sol. Bien que les applications commerciales sur béton bénéficient d’une L E P L U S G R AND TABOU D E L’ I NDU S T R I E DU C ARR E L AG E température contrôlée, il reste que le coefficient thermique du béton est deux fois plus élevé que celui de la céramique, sans compter la fissuration due au rétrécissement. Bien sûr, lorsque le substrat bouge deux à dix fois plus que le revêtement, il est normal de chercher à le maintenir en place en optant pour un ciment-colle performant. Néanmoins, l’exemple le plus éloquent est celui des installations extérieures : le ciment-colle ne peut rien à lui seul contre les lois de la physique. L’autre cause de mouvement dans un plancher est l’ensemble de charges permanentes, telles que les îlots ou les comptoirs de pierre, ainsi que les charges mobiles, comme les meubles ou la circulation piétonnière. Une déflexion donne lieu à un mouvement d’expansion au bas des couches du plancher et, simultanément, à une contraction au-dessus de celles-ci. Le cisaillement se produit au point de contact entre les couches, là où la couche supérieure est en expansion et la couche inférieure est en contraction. Avec la popularité des carreaux de grand format (15 po), la situation est devenue si critique qu’en 2019, l’ACTTM a restreint la norme de déflexion à L/720. Autrement dit, la tolérance pour les collages directs est maintenant d’environ 1/64 po sur 16 po. Ainsi, la déflexion maximale entre les solives est équivalente à l’épaisseur d’une feuille de papier. Au Québec, cette situation est d’autant plus préoccupante qu’en milieu résidentiel, le collage direct comprend rarement les deux couches minimales de contreplaqué de 5/8 po. Bref, il est impératif d’intégrer de la souplesse dans l’assemblage d’un plancher, et ce, pour chacune des couches. À cet effet, les normes de l’ACTTM imposent un espacement de ¼ po entre les feuilles de la deuxième couche de contreplaqué et le périmètre du plancher. De même, le carrelage doit être dégagé des murs et de tout objet fixe. Des joints souples sont aussi obligatoires à l’intérieur du carrelage pour permettre sa propre expansion et sa contraction. La distance entre les joints de mouvement varie entre 12 pi et 20 pi, en fonction du type d’application. De plus, des joints de mouvement sont à prévoir à chaque changement de plan, par exemple aux intersections entre le plancher et les murs, entre deux murs et entre le carrelage et tout objet fixe, comme une baignoire ou une base de douche en acrylique. SOLUTION À DEUX VOLETS Évidemment, la solution passe par un assemblage à la fois solide et souple. Premièrement, on peut neutraliser le cisaillement entre les couches de plancher avec une membrane de désolidarisation. Cette solution offre un support adéquat pour le carrelage et remédie au cisaillement. Pour les applications de porcelaine sur substrat de bois, la plupart des membranes de désolidarisation sur le marché offrent la possibilité de remplacer la deuxième couche de contreplaqué. Cela permet un assemblage plus mince et même de plain-pied avec le bois franc, comme dans le cas de la membrane Ditra-XL. Évidemment, la membrane de désolidarisation est incontournable pour les installations de plancher radiant, puisque les changements de température et d’humidité sont accentués. Des
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